Le kayak était un bon moyen de profiter du Soleil et de se retrouver par la même occasion. Ce sport offrait une certaine intimité. Gabriel était toujours de bonne humeur lorsqu'il s'agissait d'excursion dans la nature et il l'était d'autant plus quand il pouvait partager ce moment avec Alexa. On pouvait lire son entrain sur son visage, peu de gens avaient la chance de le connaître ainsi finalement. Pourtant, sa positivité de l'instant commençait à doucement s'effacer à mesure qu'ils ramaient. Quelque chose n'allait pas. Il la connaissait trop bien pour l'ignorer. Il avait tenté par ses remarques et ses blagues plus ou moins réussies de la faire retrouver son optimisme habituel mais ça ne semblait pas fonctionner. Il n'avait pas envie de la forcer à en parler non plus, mais il espérait que l'atmosphère allait se détendre... Il se demanda à deux reprises si Lisbeth avait fait part de ce qu'elle avait vu à sa tigresse mais, si ça avait été le cas, elle ne serait pas venue avec lui sur ce kayak, elle aurait été emplie de trop de colère pour ne pas exploser dès qu'elle l'avait vu. A moins qu'elle ait décidé de venir le tuer au milieu de la baie : un coup de rame au visage et il était assommé. Mort par noyade, personne ne soupçonnerait la douce enfant de Dieu qu'elle était... Elle le sortit de ses pensées en arrêtant de ramer et il fit de même. Elle se retourna avec un sourire au visage, il lui en offrit un en échange. Elle était contente d'être là, elle voulait venir toutes les semaines. Il fut comme soulagé, peut-être avait-il mal lu les signes, peut-être allait-elle parfaitement bien. Il haussa les épaules faiblement. « Bien sûr, en plus j'ai vu qu'ils font des prix pour les locations si tu as une carte de membre. Ca serait bien même, d'avoir un petit moment pour nous, comme ça. » répondit-il honnêtement. Le coin où ils s'étaient arrêtés était agréable, la côté était ornée d'arbres et non plus de maisons comme au point de départ. L'eau, par contre, n'était pas très claire, la baie était certainement polluée, l'écolo en lui se réveilla mais il regarda à nouveau sa blonde. « Peut-être qu'en hiver, ce sera moins agréable par contre. » ajouta-t-il, même s'il ne faisait jamais très froid en Californie. « T'es contente d'avoir revu toutes tes amies ? Elles t'avaient manqué ? »

Gabriel, elle l'aimait sincèrement mais depuis quelques jours elle ne se sentait pas très à l'aise avec lui, c'était une discussion avec la cousine de ce dernier qui avait tout déclenché; alors que leur relation repartait sur de bonnes bases, les confidences de Yokhéved avaient ravivé en Alexa le malaise qui ne cessait de l'animer depuis que sa relation avec le garçon était devenue "sérieuse". Elle avait envie de lui en parler, elle voulait qu'il la réconforte, qu'il lui dise que ça allait bien se passer, qu'ils trouveraient une solution ensemble, qu'il ne la laisserait pas tomber, mais c'était justement parce qu'elle avait peur d'un possible silence que depuis plusieurs jours elle se gardait de dire quoi que ce soit. Elle était trop émotive pour se contenir trop longtemps, elle savait qu'à un moment ou un autre, elle allait être forcée de le lui dire, elle était incapable de garder les choses pour elle, c'était aussi par soucis d'honnêteté. Elle ne pouvait pas faire comme si rien ne se passait. C'était lui mentir.
Gabriel était partant pour revenir chaque semaine et prendre un abonnement, ça leur reviendrait moins cher et ça leur permettrait d'avoir un moment rien qu'à eux. un moment loin de Stanford, juste ensemble. Il ajoute que l'hiver, cette activité serait peut-être moins agréable et elle haussa légèrement les épaules " On fera autre chose si il fait trop froid.. " proposa-t-elle. Elle l'observa un instant sans savoir quoi dire et elle fût soulagée qu'il continue lui-même la conversation. Il l'interrogea pour savoir si elle avait été heureuse de revoir ses amies et Alexa hocha doucement la tête " Mh, oui, forcément. Puis on avait pleins de trucs à se raconter, après deux mois... " elle baissa les yeux quelques secondes pour regarder la surface de l'eau autour d'eux, puis elle les releva vers Gabriel " J'ai revu ta cousine d'ailleurs... "

Il hocha la tête lorsqu'elle lui proposa de choisir une autre activité quand il ferait trop froid pour apprécier le kayak. Ils auraient probablement plus de boulot en cette période de toute manière ce qui signifiait moins de temps libre. Ils auraient également trois semaines de vacances vers la nouvelle année et ils retourneraient sans doute dans leurs familles respectives. L'hiver passait généralement très vite en Californie. Elle lui dit qu'en effet elle avait été contente de revoir ses copines. Mais elle ne s'étendit pas tellement sur la question, il n'eut pas de détails sur ses retrouvailles avec Zoé ou ses autres amies. Tant pis, d'un côté ça l'arrangeait d'échapper à ses discussions de filles, il avait en général droit à pas mal de détails. Ca ne l'ennuyait pas vraiment en fait, il aimait l'écouter parler de ce qui la rendrait heureuse. Il croisa les bras sur sa poitrine, se sentant un peu à l'étroit sur le kayak. Il la regardait, il détaillait son visage et elle aborda le sujet de sa cousine. Il ignorait si cette dernière avait parlé de ce qui lui était arrivé en Israël. Il imaginait mal Eved se confier mais il ne savait pas à quel point les deux jeunes femmes étaient proches. Et puis, elle devait se douter qu'il avait raconté, dans les grandes lignes, les événements. Il ne cachait rien à Alexa. Ou presque. Lui aussi avait passé du temps avec elle, elle allait mal et ça lui avait fait mal de la voir ainsi. Il espérait qu'elle arriverait à se reconstruire. « Ah... comment tu l'as trouvée ?... Non laisse tomber, c'est con comme question. Vous avez parlé de quoi ? C'était pour son club ? C'est une bonne idée, j'espère qu'il verra le jour. » dit-il d'un ton un peu peiné, au début. Il avait décroisé ses mains, ses bras s'animaient souvent quand il parlait. C'était une habitude dont il ne pouvait se défaire, comme pour amener plus de proximité entre lui et son interlocuteur. En l'occurrence sa petite amie. Il lâcha sa belle du regard pour mettre un unique index dans l'eau de la baie.

Gabriel lui demanda comment elle avait trouvé Yokhéved mais il se ravisa rapidement, il trouvait la question stupide, et il s'empressa d'en poser une autre, il voulait savoir pourquoi les deux filles s'étaient vues et si cela était en rapport avec le projet de club de sa cousine, Alexa hocha vivement la tête en détournant les yeux de lui; sa main trempait dans l'eau et elle se distrayait en faisant de petites vagues. Alexa se mordait l'intérieur de la joue, se murant dans un silence anxieux, évitant Gabriel alors qu'elle n'avait d'autre choix que de l'affronter, elle avait provoqué la discussion, elle voulait lui parler mais elle avait peur de sa réaction. Elle repensait aux mots qu'avaient prononcé Yokhéved, à ce qu'elle lui avait dit et au mal que ça lui avait fait; elle avait le besoin urgent d'en parler avec lui mais elle avait peur de devoir essuyer un rejet, qu'il ignore, change de sujet, ou pire, qu'il s'énerve. La seule chose qu'elle voulait, c'était qu'il la console et qu'il lui dise que tout allait bien, elle voulait l'entendre lui dire qu'il l'aimait et qu'ils trouveraient une solution en temps voulu. Elle trouvait fatiguant de sans cesse se demander si leur relation avait un sens. Elle releva le regard vers lui après plusieurs longues secondes de silence, ses yeux étaient troubles, tristes, confus " Gabriel... " souffla-t-elle doucement. Elle cherchait ses mots. Elle avait réfléchis à ce moment, elle l'avait attendu, et pourtant, maintenant qu'elle était seule face à lui, elle avait du mal à formuler ses pensées. " Elle m'a dit que.. les relations inter-religieuses étaient interdites... Enfin.. Je veux pas que tu lui en veuilles, c'est moi qui lui ais posé des questions parce que.. Tu sais.. J'avais besoin de savoir, surtout après ce qui lui est arrivé... Je pensais qu'avec ta mère vivant en Californie ça pourrait peut-être allé, qu'elle serait plus ouverte... tolérante.. Apparemment c'est pas le cas et... Enfin... Ca me tue de me dire qu'un jour, peut-être demain, tu vas arriver pour me dire que c'est terminé parce qu'il faudra que tu... trouves quelqu'un de plus acceptable. " Elle baissa à nouveau les yeux, elle avait envie de pleurer et en même temps elle se sentait incroyablement soulagée. Il ne pouvait pas fuir, ils étaient là tous les deux, coincés au milieu de ce lac.

Il reçut pour seule réponse un hochement de tête. Il fronça légèrement les sourcils, ce mutisme ne lui ressemblait pas, et ce regard fuyant non plus. Il avait envie de la secouer et de lui demander de parler, de lui dire ce qui la tracassait. Ce n'était pas son genre de garder les choses pour elle et c'était justement cette différence qui l'effrayait légèrement. Il posait des yeux insistants sur elle, il voulait l'obliger à parler, ils étaient coincés sur ce kayak de toute façon. Elle daigna finalement relever la tête mais elle avait le visage grave et il n'arrivait pas à comprendre ce qui pouvait tant la perturber. Ou peut-être que si. Peut-être qu'il savait pertinemment de quoi il en retournait. Elle n'avait pas abordé le sujet d'Eved juste pour faire la discussion et se changer les idées. Son état avait tout à voir avec ce que sa cousine avait vécu. Elle se lança, il l'écoutait et lui non plus ne se sentait plus très bien à présent. Oui, les relations inter-religieuses n'étaient pas autorisées, non sa mère ne serait pas plus tolérante parce qu'elle vivait depuis dix ans en Californie... Elle le serait peut-être parce qu'elle aimait trop son fils, c'était leur seule chance. Il se pinça les lèvres un instant et croisa ses mains alors qu'elle évitait à nouveau son regard. Il avait presque envie de mentir, de lui relever le menton de façon romantique, de lui offrir un sourire attendri et de lui dire qu'elle n'avait pas à s'en fait et que rien ne les séparerait. Musique et baiser passionné. Fin de scène. Mais elle méritait mieux que ça. C'était une conversation légitime, ils étaient ensemble depuis un moment, ils étaient amoureux, ils avaient des projets -un peu-. Un nouveau silence s'installa, il ignorait tout simplement quoi répondre. « Alexa, regarde-moi. » commença-t-il par dire. S'ils devaient parler sérieusement de tout ça, il fallait qu'elle le regarde. « Si toi et moi, on en arrive à... tu sais, se marier tout ça. Alors oui ça sera pas simple. Ma famille en Israël par exemple, ben, tu la rencontreras jamais. A part si tu te convertis mais ce serait injuste de te demander ça, bref, tu la rencontreras jamais parce qu'ils ne voudront plus entendre parler de moi. Ma mère... ma mère, je sais pas. Je me dis que, peut-être, elle pourrait changer d'avis. Le problème c'est que pour le savoir, il faudrait que je lui dise, et... » Il s'arrêta un instant, se disant qu'il ferait peut-être mieux de s'arrêter là, de ne pas finir cette phrase qui risquait de la blesser profondément. Mais c'était la vérité. Et il savait qu'il pourrait la perdre sur cette simple affirmation. « Et je sais pas si, un jour, je serais prêt à risquer de la perdre. » dit-il finalement et cette fois-ci c'était lui qui avait lâché son regard pour le poser sur ses propres mains, un peu moites. 

Elle n'avait aucune envie de le regarder mais elle leva tout de même les yeux vers lui lorsqu'il le lui demanda et elle l'écouta, chacun de ses mots s'inscrivaient en elle avec douleur, elle regrettait presque de lui avoir parlé de tout ça parce qu'elle avait espéré qu'il lui dirait que tout irait bien. Finalement, elle ne pouvait trouver en ses mots aucun signe d'espoir quelconque. Rien. Il lui dit que sa famille ne l'accepterait pas et que la seule manière pour qu'ils soient ensemble était qu'elle ne le sache pas. Elle n'avait pas la prétention de lui demander de tout abandonner pour elle, elle savait qu'elle ne pouvait pas le faire et il le lui confirma lorsqu'il conclut qu'il ne pourrait risquer de perdre sa mère. C'était un combat perdu d'avance. Alexa détestait cette situation, elle était en colère contre lui parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi sa famille souhaitait les empêcher d'être ensemble. Elle savait que c'était une question de religion et de culture, mais elle trouvait ça incroyablement injuste. Elle voulait être avec lui et tout semblait les séparer. Enfin, presque. Il n'y avait que du côté de Gabriel que les choses n'allaient pas, mais il n'était pas prêt à faire ça pour elle. Il ne le serait probablement jamais. Elle se sentait humiliée parce qu'elle avait l'impression de ne pas être assez bien pour lui. Mais elle ne pouvait pas lui demander de laisser de côté sa famille. C'était intensément compliqué. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Elle avait envie de pleurer et en même temps, elle sentait un sentiment de colère particulier commencer à grandir en elle, elle détestait l'injustice et elle lui en voulait. Elle se disait que c'était de sa faute, à lui. Il la faisait souffrir. Elle détourna les yeux pour retenir ses larmes, ses mains entouraient la rame, elles la serraient fort, et elle voyait la bague là.... Elle se demandait pourquoi il la lui avait offerte. « Je trouve que c'est injuste... » souffla-t-elle simplement dans un murmure presque inaudible. Alexa soupira et une larme s'échappa, glissant le long de sa joue. Elle la balaya du revers de la main et pinça les lèvres. « C'est toi qui a commencé à me draguer, tu voulais qu'on se voit.. Et maintenant que... je suis amoureuse de toi je dois... Attendre que tu trouves la petite juive parfaite. C'est injuste. » Elle l'avait regardé quelques secondes, il avait pu comprendre dans son regard qu'elle souffrait réellement, qu'elle avait besoin de réponse. Quelles étaient les questions ? Elle ne pouvait pas réellement le dire. « Je pensais que tu trouverais une solution... Mais peut-être que la situation te convient au fond.. T'es gagnant. Là t'en profite et puis plus tard... Tu rendras toute ta famille contente. Et moi la dedans... »

Il ne pensait pas que cette balade en kayak prendrait une telle tournure. Il s'était imaginé une après-midi des plus agréables en compagnie d'Alexa. Quelque chose de simple, sans problème. Juste eux et le calme de la baie. Il s'était trompé et il comprenait mieux l'humeur qu'avait eu sa belle plus tôt. Si elle ruminait ça depuis qu'elle avait vu Yokhéved, ce n'était pas étonnant. Il se gratta la nuque, geste qu'il faisait souvent lorsqu'il était gêné, avant de reposer sa main sur la rame. C'était injuste, disait-elle. Peut-être oui. Une larme apparut et elle la fit disparaître presque aussitôt avec une certaine colère. Dans un autre lieu, il l'aurait sûrement pris dans ses bras pour tenter de l'apaiser mais, ici, sur ce kayak, ça lui paraissait compliqué. C'était peut-être mieux, ainsi ils étaient obligés d'aller au bout de la discussion sans l'oublier en un baiser ou une étreinte passionnelle. Les mots qu'elle prononça ensuite lui fit clairement comprendre qu'elle lui en voulait personnellement. Il était la cause de tout cela. Il lui avait couru après. Et même si c'était vrai, il la trouvait un peu gonflée, c'était un raccourci facile. Pourtant il ne dit rien, lui laissant la parole, étant complètement chamboulé par ses yeux emplis d'une réelle tristesse. La suite, cependant, lui fit perdre un peu de ce calme déjà branlant qu'il avait essayé de garder. Il ignorait si elle avait fini mas il prit la parole tout de même. « Gagnant ? Je suis gagnant dans l'histoire ? Mais oui, t'as raison, je suis avec toi juste en attendant. Juste parce que c'est fun et juste pour ton cul. Ca m'occupe en attendant la bonne. Bien sûr. » répondit-il d'un ton des plus sarcastiques et légèrement plus élevé. Il n'en revenait pas qu'elle puisse penser ça. Il la trouvait presque idiote de pouvoir imaginer ça. Elle le connaissait, elle savait qui il était et ce qu'elle représentait pour lui. Ce n'était pas de l'insécurité qui lui avait fait sous-entendre ça, c'était de la connerie, tout simplement. De la pure connerie. Il se mordit la langue un instant tout en la regardant. « C'est moi qui y perds dans tous les cas, Alexa. Arrête. Soit je te perds toi, soit je perds ma famille. Perdre, t'entends ? Il n'y a pas de solution miracle. Je t'aime toi et je les aime eux. Il n'y a pas de gagnant. » lui expliqua-t-il et même si ce qu'il disait restait doux, sa voix ne l'était plus du tout. Il lui parlait comme à une gamine stupide.

C'était peut-être stupide mais elle se voyait réellement comme une victime. Gabriel y perdait peut-être aussi, mais c'était à lui que revenait le choix, elle, elle ne pouvait que subir et même si il la choisissait elle, il serait alors rejeté par sa famille, il ne serait donc pas heureux, il finirait peut-être même par lui en vouloir. Elle haussa les sourcils en l'écoutant, elle n'était vraiment pas d'humeur à comprendre ou apprécier le sarcasme, ça n'avait nullement l'effet escompté, il ne la raisonnait pas, pas du tout, au contraire, ça avait le don de l'énerver. Elle trouvait sa réaction mal placée, mal venue, clairement irrespectueuse. Elle serra ses mains plus fort autour de la rame. Gabriel continua en disant qu'il n'y avait pas de solution, que c'était l'un ou l'autre, qu'il n'y aurait pas de gagnant, il finirait forcément par y perdre quelque chose. Elle lui lança un regard un peu mauvais, elle n'appréciait pas ses réponses, ce n'était pas ce qu'elle avait eu envie d'entendre et pour ça, elle lui en voulait aussi. Elle était incapable d'apprécier son honnêteté, ça la blessait beaucoup trop. Elle releva à peine le fait qu'il l'aimait. Elle avait l'impression de se faire gronder comme une enfant et il avait beau lui dire qu'il n'y avait pas de solution possible, ça ne lui suffisait pas, elle voulait savoir quoi faire, ce qu'il en était entre eux. Elle avait besoin de réponse et il ne les lui donnait pas. Il lui disait simplement que c'était comme ça. Qu'il n'y avait rien à faire. Elle se sentait piégée. " Tu comprends rien " soupira-t-elle avant de reprendre sa place initiale, dos à lui. Elle tenait la rame dans ses mains et c'est après quelques secondes d'immobilité qu'elle commença à ramer, elle avait du mal à se concentrer, sa vue était cachée par les larmes qui menaçaient à tout moment de se mettre à couler et elle ne voulait pas qu'il la voit, ni le voir.

Il avait manqué de diplomatie, c'était souvent le cas quand ils n'étaient pas d'accord. Il n'avait pas apprécié ses accusations et il n'avait pas su la rassurer calmement. Il n'était même pas certain de pouvoir l'apaiser en réalité. Lui non plus n'était pas totalement serein, il savait que sortir avec Alexa impliquait beaucoup de choses. Il ne s'était pas attendu à avoir autant d'attachement pour elle, voilà tout. Il pensait qu'ils joueraient tous les deux, qu'ils passeraient du bon temps et que ça se terminerait finalement. Il n'avait pas imaginé qu'elle déclencherait cette tempête de sentiments en lui et qu'il en viendrait à avoir autant besoin d'elle. Et encore moins qu'ils en arriveraient à cette discussion. D'ordinaire, il évitait de réfléchir à ce problème et à leur avenir, ça le grisait cette situation sans issue et il préférait remettre ça à plus tard, car, dans le cas contraire, il en arrivait toujours à la même conclusion : la décision la plus sage serait peut-être de mettre un terme à leur relation maintenant, attendre ne rendrait la rupture que plus douloureuse. Mais il ne pouvait s'y résigner. Ca lui semblait très dramatique, et s'il n'était pas un membre du couple, il trouverait ça mélo au possible. Il dirait que ce n'est que la réponse d'une jeunesse fougueuse et que le temps guérirait aisément la blessure. Pourtant il ne pouvait s'y résigner, il avait déjà du mal à tenir une semaine sans la prendre dans ses bras alors toute une vie.
Il avait fini de parler, de lui faire la leçon. Il ne comprenait rien, disait-elle. Il attendit un peu, les yeux encore coléreux, espérant qu'elle ajoute quelque chose, n'importe quoi qui pourrait faire avancer le débat ou qui exprimerait simplement ce qu'elle en pensait. Mais elle se contenta de se retourner, et ça n'arrangea rien à son humeur. Se taire était sa solution... Il leva les yeux au ciel dans un soupir non dissimulé. « Tu as raison, boude, ça va tout arranger. » lâcha-t-il, entre moquerie et agacement, en remettant sa rame à l'eau pour l'aider. Sa remarque la rendrait peut-être furieuse mais, à dire vrai, il préférait cela au silence. Se contenter de lui dire que c'était de sa faute et qu'il ne comprenait rien, non, ça n'était pas suffisant pour lui. Peut-être aurait-il dû lui mentir finalement, lui dire que tout irait bien, que sa mère l'aimerait forcément en dépit de sa religion. Oui, il aurait dû.

Alexa n'avait plus envie de lui parler, ce n'était pas son genre d'éviter le conflit mais elle savait qu'aucune sortie heureuse n'était possible, aucun compromis ne pouvait être fait, pas d'issue, alors elle préférait fuir et clore la discussion pour ne pas empirer les choses. Elle refusait de croire que rompre était la seule solution, elle souhaitait réfléchir, peut-être en trouver une autre. Elle s'était donc tournée dos à lui pour recommencer à ramer, ses mouvements étaient lents, elle n'avait tellement envie de retourner sur la berge, mais ça lui permettait de s'occuper un peu et surtout de l'ignorer. Elle avait espéré qu'il n'irait pas plus loin, mais Gabriel semblait finalement d'un tout autre avis. Il lui reprocha de bouder, de ne rien arranger et elle avait l'impression qu'à présent, il cherchait à l'énerver, qu'il encourageait le conflit, comme si la situation n'était pas suffisamment douloureuse pour elle, il la provoquait. Elle tourna la tête vers lui pour le fusiller du regard, elle n'avait aucune envie de continuer à parler mais elle bouillonnait intérieurement et elle n'allait probablement pas tarder à exploser « Parce que continuer à s'engueuler ça va arranger quoi que ce soit ?  » lui demanda-t-elle, totalement sur la défensive et sur le ton de la reproche. Il l'avait dit lui même, il n'y avait pas de solution alors à quoi bon continuer à se disputer ? Ça n'avait aucun sens. Elle soupira et décida finalement de l'affronter en se retournant complètement vers lui. «  Tu viens de me dire qu'il n'y avait aucune chance pour que ça fonctionne. Je sais que je ne peux pas te demander d'abandonner ta famille mais tu pourrais.. essayer de trouver un compromis, il y en a forcément un. On pourrait très bien rester ensemble et ne pas se marier, d'ailleurs je n'ai jamais parlé de mariage c'est toi et ta cousine qui parlez de ça alors que c'est totalement arriéré et inapproprié. On peut très bien avoir une relation ensemble, durable sans JAMAIS se marier. Et on peut totalement avoir des enfants sans l'être. Tu le sais très bien. Ca emmerdera peut-être ta famille mais pas autant que si justement on voulait se marier. Alors on a qu'à pas le faire. J'ai pas besoin de ça. Je veux juste être sûre que tu me lâcheras pas.  » Elle le regardait dans les yeux et au final, c'était dit sans haine, c'était juste de l'incompréhension, un désir de solution, une once d'espoir.

Son insolence eut l'effet escompté, Alexa décida de lui répondre et de ne plus se murer dans un mutisme qui ne leur ressemblait pas. S'engueuler n'arrangerait rien non plus. Il haussa faiblement les épaules, il considérait que parler, quel que fut le ton, était toujours mieux que se taire et laisser trop de place aux reproches non-dits dans son esprit. Elle se retourna à nouveau vers lui et, étrangement, il se sentait un peu moins agacé. Il se promit de garder ses sarcasmes pour lui et d'essayer d'être plus calme, peu importait ce qu'elle lui répondait. Mais, apparemment, elle l'avait devancé, ce qu'elle lui exposait était réfléchi et elle avait délaissé sa colère. Il s'était toujours imaginé qu'il se marierait un jour, ça lui paraissait important de partager ce moment avec celle qu'il aimerait. Il avait vu ses cousins heureux et les grandes fêtes qui suivaient cette célébration. C'était un événement normal dans une existence comme la Bat Mitsvah. Pourtant ce qu'elle disait avait du sens. Sa famille n'accepterait probablement pas une telle situation mais les conséquences seraient moins grandes. Sa mère, elle pourrait peut-être s'accommoder de cet arrangement. Et c'était elle qui était importante finalement. Il n'était plus sûr de rien. Surtout depuis cet été et le cas Yokhéved. Sa propre génitrice avait accepté de ne plus lui adresser la parole et de l'ignorer. C'était idiot mais on avait élevé avec cette idée qu'il n'y avait qu'une solution acceptable, mais il s'en était déjà éloigné en s'engageant dans une relation sérieuse avec Alexa. Il hésita un instant puis lui prit doucement la main avant de remonter ses yeux vers les siens. Il inspira assez profondément. « J'ai pas dit qu'il n'y avait aucune chance que ça marche, je veux que ça marche chaton. J'ai juste dit qu'il y aurait forcément des répercussions. C'est compliqué. » commença-t-il par dire en effleurer sa main de son pouce. « Tu pourrais vraiment imaginer ne jamais te marier ? C'est pas quelque chose dont tu as envie ? Une journée pour toi, avec celui que tu aimes, et ta famille ? » demanda-t-il ensuite. Il ne voulait pas non plus la priver de cette joie, c'était une étape importante et heureuse dans la vie d'un Homme. Tout n'était pas très clair dans son esprit. Une partie de lui se disait qu'ils étaient jeunes, que cette passion qui les animait s'essoufflerait peut-être un jour. Et il ne voulait pas que ça arrive et qu'elle regarde ce qu'elle a raté pour lui ou à cause de lui. « Tu sais, ça changerait pas grand chose pour ma famille en Israël. Enfin, disons que dans les faits ce serait pareil. Mais, ma mère, peut-être... » reprit-il sans vraiment lui laisser le temps de répondre. Elles étaient têtues et peu tolérantes ses tantes, on ne s'éloignait pas du chemin qu'elles avaient construit pour eux. Mais c'était sa mère qui comptait surtout. Elle était tout pour lui, ce n'était pas un secret.

Le ton était plus calme, ils avaient apparemment décidé de s'écouter, de discuter, la tempête était plus ou moins passée, elle pourrait probablement revenir à n'importe quel moment mais l'important était qu'à ce moment présent, ils s'écoutaient. Il tentait de s'expliquer, il lui dit que c'était compliqué et il prit sa mains dans la sienne comme pour la réconforter, pour lui montrer qu'il était là et qu'il ne comptait pas la laisser tomber. Elle avait réussi à trouver un compromis, elle lui proposait quelque chose. Alexa ne baissait pas les yeux, elle le regardait et elle écoutait ses mots. Gabriel lui demanda si elle pourrait renoncer au mariage, si elle n'en avait pas envie, il sous-entendait d'une certaine façon que si c'était le cas, il ne pouvait pas la priver de cela et elle secoua vivement la tête. Il ajouta, sans la laisser répondre, que ça ne changerait probablement rien pour sa famille "éloignée", mais que peut-être sa mère, pourrait accepter un tel compromis. Elle l'observa quelques secondes, silencieusement. Encore une fois, elle cherchait les mots justes, elle souhaitait lui dire le fond de ses pensées, lui exprimer concrètement à quoi elle serait prête pour lui. Bien sûr qu'elle avait rêvé de se marier en étant enfant, bien sûr qu'elle avait toujours d'une famille modèle, mais elle se disait aujourd'hui que le mariage n'était pas une fin, ce n'était pas indispensable, elle était persuadée qu'ils pouvaient très bien être heureux sans. Rien ne les empêchait de s'organiser de fausses lunes de miel, ils auraient l'occasion de s'organiser des vacances juste eux deux, en amoureux. Le mariage était quelque chose d'heureux mais on pouvait également le voir comme un prétexte. Ils n'en avaient pas forcément besoin. Elle serra doucement sa main dans la sienne. " Si être avec toi ça implique de ne jamais me marier alors ça me va. Je m'en fiche. Une journée dans une vie, qu'est-ce que c'est ? On pourra en avoir pleins des journées pour nous, où on sera heureux d'être ensemble. Je crois que Dieu est tolérant et qu'il veut que le bonheur des gens. Dans ma grande naïveté " elle esquissa un léger sourire face à sa propre crédulité, ou bien on pouvait appeler ça de la témérité, ça dépendait du point de vue. Aussi croyante fût elle, elle estimait avec un certain égoïsme qu'aimer n'était pas un péché et que Dieu ne pourrait pas lui en vouloir. Elle lâcha la main de Gabriel pour la passer sur sa joue et elle se pencha pour lui donner un baiser sincère et amoureux, sa main remonta dans ses cheveux.

Il se sentait un peu plus léger à présent, il savait que tout n'était pas réglé, il savait aussi que rien ne lui affirmait que sa mère accepterait la situation, mais sa petite amie les avait fait retrouver une lueur d'espoir. Il pourrait peut-être parler d'Alexa la prochaine fois qu'il irait à Irvine, tâter le terrain, voir la réaction de celle qui l'avait mis au monde. Ca lui paraissait un grand pas en avant mais il partageait tout avec elle. Tout, à part la pièce la plus importante de son existence à Stanford, tout sauf sa tigresse. Ca l'attristait d'omettre ce sujet, peut-être était-il temps de changer ça. Son frère savait par contre, ils avaient discuté cet été, mais uniquement lui. Il n'était ni pour, ni contre, tant que Gabriel était heureux, il l'était aussi. Le jeune homme caressait toujours sa main de son pouce pendant qu'elle parlait, il regardait ses yeux, sa bouche aussi. Le mariage n'était pas si important, ce n'était qu'un jour, elle pouvait s'en passer pour être avec lui. Il offrit un sourire attendri. Elle était probablement trop bien pour lui. Elle se moqua de sa propre naïveté. Ils étaient jeunes, ils avaient le droit d'être optimistes et pleins de grandes idées. Il se pencha un peu lorsqu'elle le fit, pour accepter son baiser et déposa sa main sur sa joue. Il essayait de ne pas trop bouger, de peur de faire chavirer le kayak. Il attrapa doucement sa taille pour la faire s'approcher un peu, puis mit fin à cette étreinte peu pratique. « Attends. » dit-il en faisant passer sa pagaie derrière lui et en s'avançant pour se trouver au milieu de l'embarcation. « Viens. » demanda-t-il en ouvrant ses bras pour l'accueillir. Ils avaient de nombreuses petites disputes mais cette fois ça avait été différent, le fond était important. Ce n'était pas à cause d'un mot maladroit qu'il aurait eu ou d'une jalousie mal placée, ça avait été une conversation importante. C'était une nouvelle étape dans leur relation, ils avaient parlé d'avenir. Ils avaient discuté de l'éventualité de passer leur vie ensemble, et pas seulement comme on imaginait un futur qui n'arriverait jamais, pas comme un rêve, mais bien comme une réalité. Il passa une main dans sa chevelure blonde et il l'embrassa avec tout l'amour dont il était capable. « Je vais lui parler de toi, chaton. C'est pas normal que les deux femmes de ma vie ne se connaissent pas. » affirma-t-il, déterminé.

Le kayak n'était pas très stable, eux non plus... Les disputes étaient fréquentes, leur relation parfois fébrile, et pourtant, elle ne doutait que rarement de l'amour qu'il lui portait. Presque jamais. Bien sûr, ça arrivait, lors de dispute, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne l'aimait pas, on ne faisait pas souffrir les gens qu'on aime, et pourtant... Avec le temps elle se disait que c'était peut-être ce qui les rendait plus fort. Certains couples se brisaient à la moindre rupture, eux c'était différent. Plus ils s'étaient quittés, plus ils s'étaient rendus indispensable l'un à l'autre et plus aujourd'hui, ils avaient envie d'être ensemble. Parfaitement ensemble. Gabriel s'approcha avec adresse en faisant en sorte de ne pas faire basculer leur petite embarcation, il l'invita dans ses bras et elle s'approcha pour venir l'étreindre. Finalement, elle pouvait être contente d'avoir lancé cette discussion. Ca leur avait été plutôt bénéfique. Il l'embrassa et elle sourit doucement tout en répondant à ce baiser. C'était une scène d'un romantisme incertain, une réconciliation bancale entre deux amoureux tentant de se battre contre les autres, contre ceux qui leur empêchaient d'être ensemble. Ils avaient chacun eu un combat, une cause propre qu'il défendait et à présent ils avaient la leur, celle d'être ensemble. Il mit un terme à cette étreinte pour s'adresser à elle avec plus de détermination et d'enthousiasme et elle fût ravie de l'entendre dire qu'il allait parler d'elle à sa mère. Elle savait à quel point cette dernière comptait pour elle et elle était heureuse de pouvoir enfin, réellement et non plus clandestinement, faire partie de sa vie. Elle lui adressa un sourire franc et heureux. " Cool, mais tu lui diras des trucs bien, enfin pour qu'elle m'apprécie quoi. Genre que je fais bien la cuisine et que je prends super bien soin de toi " dit-elle non sans une légère once de fierté dans la voix. En effet, peut-être pour la première fois, elle pouvait se vanter d'être une bonne petite amie. " Puis j'ai une hygiène irréprochable " elle affichait un large sourire en passant ses mains sur les siennes. " Bon, je suis contente de t'en avoir parlé parce que ça me tenait à coeur. Et je suis contente que les choses soient à plat maintenant. " elle observa autour d'eux puis reposa les yeux sur lui " On a le droit de se baigner ou pas ? "

Il sourit, amusé par sa réaction. Evidemment qu'il dirait du bien d'elle, s'il voulait que sa mère l'accepte, il n'allait pas lui raconter qu'ils passaient autant de temps à s'adorer qu'à se détester. S'il le faisait, elle le raisonnerait, elle lui expliquerait qu'il fallait aborder l'amour avec raison car, dans le cas contraire, il ne pouvait durer. Il n'avait pas tellement envie d'entendre ça. Il entendait suffisamment d'avis négatifs sur leur couple, un de plus n'était nécessaire. Ils s'étaient choisis, ils n'arrivaient pas à rester loin l'un de l'autre, ça devait bien signifier quelque chose, non ? Ca ne durerait peut-être pas toujours mais, depuis l'incident entre ses parents, il avait du mal à imaginer un quelconque amour éternel. Il avait peut-être tort. Il n'en savait rien. Elle était contente qu'ils aient eu cette discussion, lui aussi. Pourtant lorsqu'elle parla du fait qu'ils avaient mis les choses à plat, il repensa à sa fâcheuse et fortuite rencontre avec Lisbeth. Il était conscient que cette histoire finirait par exploser au grand jour et plus il attendait, plus elle prendrait d'ampleur. C'était parti de rien mais si son amie relatait les faits à Alexa, alors cette dernière aurait l'impression qu'il avait vraiment mal agi. C'était sûrement mieux s'il donnait sa version des faits avant qu'elle ne lui jette une lampe ou un bouquin au visage et qu'elle ne l'écoute pas. Elle lui demanda s'ils avaient le droit de se baigner. « Mmh... Tu pourrais. L'eau est pas super propre, surtout en été, mais tu pourrais. » dit-il en se penchant un peu pour examiner la surface. Il lâcha ses mains pour en plonger une dans l'eau de la baie, ça n'avait pas l'air trop mal en fin de compte. Mais il savait pertinemment à quoi il jouait, il essayait de se trouver une excuse pour se défiler. « Alexa... tant qu'on en est à mettre tout à plat, faut que je te dise un truc... C'est rien mais Lisbeth était là alors si elle t'en parle, ça va prendre des proportions aberrantes. » dit-il pour commencer en joignant ses deux mains. Il allait certainement briser la toute neuve bonne humeur qui remplissait l'atmosphère mais après ça, il n'aurait plus de secret. « Tu sais, je suis arrivé un jour avant toi, et j'ai croisé une des filles de l'équipe. Il s'est rien passé, t'inquiète pas, on faisait que discuter mais elle s'est assise sur mes genoux pour déconner et ta pote, quand elle a vu ça, elle en a fait tout un drame. Du coup, je me dis que c'est mieux que tu l'entendes de moi. » expliqua-t-il, laissant sciemment de côté la partie concernant le petit chantage qu'il avait fait à Lisbeth pour qu'elle garde cette altercation pour elle. « C'est tout. »

Elle regardait l'eau, évaluant les probabilités d'une contamination par une quelconque maladie en se baignant à l'intérieur et les possibilités de se faire engloutir par un monstre marin, ou manger peut-être, ce serait une fin plutôt dramatique, digne d'un bon film d'horreur avec une bonne touche d'ironie.. Le couple venant tout juste de se réconcilier qu'il était déjà séparé. Alexa releva les yeux vers Gabriel lorsqu'il prononça son nom, elle souriait d'un de ces sourires sincères et doux, soulagée par le dénouement heureux de leur précédent conversation. C'était sans compter les mots que prononça ensuite Gabriel. Il avait quelque chose à lui dire et profitait de cette ambiance de réconciliation et de départ sur de nouvelles bases plus solides pour le faire, il mentionna Lisbeth et Alexa fronça les sourcils lorsqu'il parla des " proportions aberrantes " que pourrait prendre ce qu'il allait lui annoncer. Pour que Lisbeth ne lui en parle pas - et elle comprenait maintenant pourquoi elle était distante - c'était probablement quelque chose de grave qu'elle devait savoir, sinon, son amie n'aurait probablement réagit comme il le disait. Gabriel vida finalement son sac en lui parlant d'une fille de l'équipe - la sienne probablement - qui " pour déconner " était venue s'asseoir sur ses genoux. Lisbeth avait pété un câble. Et c'était tout. Alexa plissa les yeux, elle trouvait ça étrange et se demandait pourquoi son amie n'était pas venue le lui dire, elle se demandait aussi ce qu'une pétasse de l'équipe de cheerleader faisait assise sur les genoux de son petit ami. Mais manifestement, le problème ici, ce qu'il semblait lui faire comprendre, c'était plutôt Lisbeth. Lui, il n'avait rien fait de grave. Alexa ne savait pas réellement quoi dire ni comment réagir, elle avait l'impression qu'il ne lui disait pas vraiment tout, elle le connaissait trop bien et les mots qu'il avait prononcé laissait planer quelque chose, comme s'il avait oublié d'omettre quelques détails. Peut-être que cette fille ne s'était pas tout simplement assise sur ses genoux. Elle pouvait le lui demander maintenant, ou bien elle pouvait attendre de croiser Lisbeth pour avoir sa propre version des faits. Alexa soupira agacée avec la furieuse envie de rentrer chez elle et de se cacher sous sa couette; au fond ce n'était pas si grave mais même lorsque tout devait aller pour le mieux, il y avait toujours quelque chose pour ajouter une ombre au tableau et si elle pouvait se réjouir de cette preuve d'honnêteté qu'il venait de faire à son égard, elle se demandait pourquoi il avait laissé ce problème s'installer. Pourquoi est-ce que cette fille s'était assise sur ses genoux? Probablement parce qu'elle n'aurait pas dû être au courant. Malheureusement pour lui, Lisbeth l'avait vu. " J'hallucine... " souffla-t-elle, doucement énervée. Elle avait réellement envie de s'enfuir, de sauter dans l'eau et de retrouver la berge en nageant. Elle ne voulait pas se disputer encore avec lui et pourtant elle sentait sa colère monter. Encore. " Donc... Ce que t'es entrain de me dire c'est que tu laisses des nanas s'asseoir sur tes genoux "pour déconner", mais que Lisbeth a réagit de façon.. Disproportionnée... Probablement par amitié... Et que du coup.. dans ta grande honnêteté, tu viens me l'avouer... Avant qu'elle ne le fasse. " une légère moue s'inscrit sur ses lèvres et elle soupira à nouveau en levant les yeux au ciel. La seule chose qu'elle avait envie de lui dire était qu'il avait eu de la chance de s'être fait surprendre par Lisbeth, si ça avait été elle, la situation n'aurait probablement pas simplement tourné au drame, mais à la catastrophe nucléaire. " T'es gonflé quand même... Fin... Dans ce que tu me dis, le plus grave c'est pas que tu laisses des pétasses s'asseoir sur tes genoux c'est que ma pote réagisse comme... une pote. J'ai même pas envie de m'énerver tellement je trouve ça nul. "

Gabriel s'attendait à une réaction violente de la part de la jeune blonde, il lui suffisait parfois de faire un simple commentaire à propos d'une autre étudiante féminine pour qu'elle s'énerve. C'était souvent très peu de choses pourtant. Mais là, même s'il ne trouvait pas qu'il s'agissait d'un acte très grave, il aurait préféré pouvoir le taire. Si elle lui annonçait qu'elle s'était assise sur les genoux d'un autre, lui aurait perdu son calme, sans l'ombre d'un doute. Il ne l'aurait pas touchée, évidemment, mais il aurait certainement eu envie de frapper le type qui l'avait accueillie sur lui. Il était donc prêt à recevoir une gifle ou un coup dans l'épaule. Pourtant rien ne se passa. Elle hallucinait, c'est ce qu'elle finit par articuler. Il y avait de l'agacement dans sa voix mais rien de disproportionné. Peut-être que, finalement, elle se rendait compte que ça ne valait pas la peine. C'était juste un incident mineur. Il se redressa un peu et joignit ses deux mains. Elle reprit ce qu'il avait précédemment dit et il se sentit un peu idiot en réalité. Il n'avait pas présenté les événements de la meilleure des façons. Elle lui faisait la leçon et il n'appréciait pas tellement ça. Elle faisait preuve d'une maturité nouvelle, pas de violence, juste des mots. Il avait envie de lui répondre sur ce même ton condescendant. Il aurait préféré qu'elle le frappe finalement. Il voulait l'Alexa jalouse et colérique, elle le faisait moins passer pour un con. Il regarda la rive un instant, il aurait voulu pouvoir être sur terre ferme, pouvoir bouger un peu plus lors de cette discussion. Elle trouvait son comportement nul, c'était sa conclusion. Il reporta son attention sur elle et haussa faiblement les épaules en s'affichant un air désolé. « Je sais pas trop quoi te dire de plus, Alexa... C'était pas malin de ma part de laisser cette fille faire ça, enfin de rentrer dans son jeu disons, et encore moins de sous-entendre que c'était Lisbeth qui avait tort. Elle est ta pote, elle veut te protéger, je comprends. » Il s'était repris, ne voulant pas refuser une quelconque responsabilité, elle n'aurait pas apprécié. Il était aussi coupable que sa coéquipière. Même s'il ne sentait pas réellement cette culpabilité. Ce n'était rien tout ça. Et oui, si Lisbeth n'avait pas été là, ce serait passé parfaitement inaperçu et ça n'aurait eu aucune espèce d'importance. Même lui aurait oublié ce moment de son existence. Pourquoi fallait-il qu'elle ait des amies si délicates et chastes ? Il se garda bien d'exprimer ça. Là, elle aurait fait preuve de violence. Il n'avait pas besoin de se comporter ainsi, il devait accepter son erreur, s'excuser et leur permettre de passer à autre chose. Rester humble, c'était le meilleur moyen de mettre ça derrière eux. Faire un pas -fictif- vers elle, la tête basse et implorer. Il en était ravi... Il s'humecta les lèvres avant de continuer. « Je sais que c'est facile de jouer au con et de s'excuser après mais c'est tout ce que je peux faire maintenant. Puis, c'était vraiment rien. » Il aurait mieux fait de garder cette dernière phrase pour lui mais sa fierté mal placée l'avait obligé à l'ajouter. Il posa sa main sur celle de sa petite amie fâchée. « Je suis désolé. » dit-il avec toute l'honnêteté dont il était capable en la regardant dans les yeux.

Bizarrement, Alexa ne s'énervait pas tant que ça, elle était réellement agacée par son comportement, elle n'était probablement pas un exemple de bonne conduite, mais avec lui, elle faisait des efforts, elle voulait que ça marche et elle le lui montrait, elle n'allait pas draguer d'autres garçons et elle ne se laissait pas vraiment draguer, ou rarement, exceptionnellement, mais jamais rien de très gros. Elle ne s'asseyait sur les genoux de personne d'autre que lui. Mais lui, il jugeait apparemment qu'il pouvait le faire, que ce n'était pas grave et elle ne s'adressait pas à lui avec condescendance, elle voulait simplement lui faire comprendre qu'elle trouvait son comportement nul. Il rejetait la faute sur Lisbeth et il osait lui dire qu'il n'avait rien fait de grave. Que cherchait-il ? Lorsqu'elle s'adressa finalement à lui, il se contenta de hausser les épaules avec désinvolture avant de lui répondre qu'il comprenait sa réaction et qu'il avait eu tort, elle trouvait que ça sonnait bizarrement faux, qu'il ne tenait peut-être pas tant que ça à l'avouer, et il le lui confirma quelques secondes plus tard. Il s'excusa, ajouta que ce n'était rien, et il s'excusa à nouveau. Alexa arqua un sourcil en l'observant.. Elle ne le comprenait pas. S'il considérait qu'il n'avait rien fait de grave pourquoi s'excusait-il ? Parce qu'il devait le faire. Le pensait-il ? Probablement pas puisqu'il disait que ce n'était rien de grave. Mais il le faisait. Et elle ne le croyait pas une seule seconde. " Qu'est-ce que tu cherches Gabriel ? Tu veux que je m'énerve ? C'est ça ? Parce que... y a cinq minutes on essayait de repartir sur de bonnes bases, et toi tu m'annonces que tu flirtes avec une de tes pétasses de coéquipières mais ça t'arrache la gueule de t'excuser. Pourquoi tu t'excuses si c'est pour me dire ensuite que t'as rien fait et que c'était rien de grave? TU SAIS QUE C'EST GRAVE alors pourquoi tu peux pas juste t'excuser? Juste... tu t'excuses et t'admets que t'as eu tort. C'est ce que les gens font. Putain. C'est comme si je te disais que je te pardonne mais que je t'en veux encore. Ca a absolument aucun putain de sens. Alors si tu veux pas t'excuser, si tu crois que c'est pas grave que des nanas viennent s'asseoir sur toi alors ne t'excuses pas. Mais va te faire foutre. " elle se tourna, reprenant place pour ramer et prit la pagaie pour commencer. Elle voulait rejoindre la terre ferme. Au moins là, elle pourrait lui taper dessus sans risquer de tomber à l'eau. " Et ne me dis pas que je fuis le conflit sinon je te jure que je t'assomme avec cette putain de rame. "

Ses excuses n'étaient pas d'une totale sincérité et il savait pertinemment qu'elle s'en rendrait compte. Tout ça parce qu'il avait laissé échapper cette malheureuse petite phrase. Il s'en voulait et, en même temps, il n'était pas du genre à dire ce qu'il fallait juste pour faire plaisir à qui que ce fut. Il considérait ce trait de caractère comme une qualité finalement. Mais, dans ce cas précis, ça lui avait fortement desservi. Elle se lança dans un véritable discours, elle avait beaucoup de choses à dire et à lui reprocher... Il aurait mieux fait de ne rien avouer du tout, de laisser couler. Avec le compromis qu'il avait trouvé avec Lisbeth, peut-être n'aurait-elle jamais rien dit. Il la pensait trop fidèle pour ça cependant. Il se doutait bien qu'elle ressentirait de la culpabilité et finirait par en parler à son amie. Se taire, c'était remettre cette discussion à plus tard, c'était tout. Et plus il attendrait, plus elle serait en colère. Il se retenait de lever les yeux au ciel ou même d'afficher un air ennuyé, il ne voulait pas aggraver son cas. Il avait assez joué au con, il enleva sa main de sur la sienne. Elle lui expliquait comment on était censé s'excuser. Elle utilisait un langage plus coloré que d'ordinaire et il savait ce que ça signifiait : il devait arrêter de la provoquer, elle était presque arrivée à bout. Elle conclut en reprenant sa place initiale, lui offrant son dos. Il ne put réprimer un sourire lorsqu'elle le menaça de l'assommer avec la pagaie. Il l'aimait cette caractérielle d'Alexa, il ne pouvait rien y faire. Il détestait celles qui se laissaient faire et qui acceptaient tout. Sa blonde était bien loin de ça. Ca lui plaisait. Il savait qu'elle était encore très énervée mais lui non. C'était fini, cette dernière menace l'avait étrangement calmé et il avait retrouvé un air plus serein. Il avait d'abord eu envie de lui dire qu'il n'avait pas affirmé n'avoir rien fait mais qu'il avait dit que ce n'était rien. Rien dans le sens où ça ne voulait rien dire et qu'il se moquait pas mal de la cheerleader. Mais, à présent, relancer le débat lui paraissait complètement superflu. Il effleura son dos du bout des doigts juste un instant. « Pardon chaton, tu as raison. » dit-il, cette fois-ci complètement honnête, sans pouvoir ôter son sourire. C'était peut-être mieux qu'elle ne le voit pas, elle aurait pensé à tort qu'il se foutait d'elle. Il se mit à ramer, sans rien ajouter, l'aidant à les ramener sur la berge. Il devait laisser le temps à sa colère de s'effacer. Et ça pouvait être long. S'il l'ouvrait, ça prendrait encore plus de temps.

L'assommer avec la pagaie, c'était une idée qui sur le coup lui paraissait totalement légitime, il la provoquait, il cherchait volontairement à l'énerver et son petit jeu commençait à réellement lui taper sur les nerfs, elle était heureuse de le retrouver mais déjà fatiguée à l'idée de reprendre une nouvelle année à se disputer avec lui. Elle n'avait pas envie que ce soit comme ça, elle voulait que les choses aillent bien, elle voulait le voir sans avoir à se poser des questions sur ce qu'il pouvait faire pendant son absence, sans avoir à s'angoisser... Elle espérait réellement qu'il ferait des efforts parce qu'elle ne tiendrait probablement plus très longtemps ainsi. Alexa l'aimait, mais il y avait des limites à ne pas dépasser et elle n'avait pas envie de souffrir à nouveau. La façon que Gabriel avait de chercher le conflit l'agaçait, l'ennuyait, la révoltait et il réussissait toujours à avoir ce qu'il voulait. La sortir de ses gonds. Il ne rétorqua rien à toute sa tirade, il la laissa se retourner pour recommencer à ramer et finalement, il se contenta de dire qu'elle avait raison, qu'il s'excusait. Elle ne le croyait pas mais elle ne dit rien, elle avait l'impression qu'il se moquait d'elle, que c'était "trop" pour être sincère, le " tu as raison", le " chaton ".. Mais Alexa décida de garder le silence, ne réagissant même pas lorsqu'il effleura son dos. Elle ramait et elle l'entendait derrière elle faire pareille. Ils atteignirent la berge en silence, ils ramenèrent le canoë sur le bord et un type chargé de la location s'approcha pour faire le reste. Alexa ôta son gilet de sauvetage pour le lui rendre et elle récupéra ses affaires, notamment son sac à dos, duquel elle sortit une bouteille d'eau pour en boire une longue gorgée. Elle releva finalement les yeux sur Gabriel, toujours énervée contre lui, elle ne trouvait pas ce qu'elle avait envie de lui dire, et peut-être n'avait-elle tout simplement rien à lui dire à ce moment là. Elle l'avait trouvé nul, lui et sa réaction puérile, lui et son refus d'admettre qu'il avait tort et qu'il avait fait quelque chose qui pouvait la blesser. Oui il y avait bien une chose qu'elle avait envie de lui dire, finalement. Mais elle n'aurait peut-être pas le courage de le faire. Elle l'observait en silence, partagée entre le désir de partir et de le laisser là, celui de se mettre à nouveau en colère ou de fondre en larme. Trop d'émotions se bousculaient en même temps en elle. Ce n'était pourtant parti de rien. " Je crois que j'vais faire le chemin du retour toute seule " dit-elle en se dirigeant vers leurs vélos qu'ils avaient accroché un peu plus loin. Elle se sentait déçue, elle n'arrivait pas à le comprendre. Il lui disait tantôt qu'il voulait la présenter à sa mère, qu'il voulait que leur relation marche, et pourtant, il finissait par lui annoncer qu'il flirtait avec d'autres (oui, elle considérait que c'était du flirt). Alors elle se disait que peut-être la situation lui convenait, peut-être n'avait-il pas réellement envie de quelque chose de sérieux. Pourquoi sinon continuerait-il à chercher le conflit? Elle se sentait déconnectée. Pas seulement de lui, mais de tout ce qui les entourait.

Le silence. Le silence, il l'aimait lorsque tout allait bien, lorsqu'ils n'avaient pas à se parler pour partager un instant de pure complicité. Mais là ce n'était pas le cas. C'était un silence post-conflictuel, ça n'avait rien à voir. L'atmosphère n'était pas sereine et heureuse. Alexa n'était pas sereine et heureuse non plus. Elle aurait préféré pouvoir être loin de lui, il le savait. C'était pour cela qu'elle ramait vers le coin des locations malgré qu'ils aient payé pour plus longtemps. Ils se taisaient mais ce n'était pas aussi calme autour d'eux. Ils pouvaient entendre des oiseaux chanter et le bruit des pagaies entrer et sortir de l'eau à un rythme régulier. Et, à mesure qu'ils s'approchaient de la berge, il était possible de reconnaître des voix humaines également. Ils ramenèrent le kayak, toujours sans échanger un mot. Il se sentait un peu impuissant, quoi qu'il dise, elle allait s'énerver. Quoi qu'il dise, elle l'aurait pris comme un reproche, et s'il osait faire une blague, elle lui dirait que le moment était très mal choisi. Se taire était donc son unique option. Il discuta un bref instant avec le responsable tout en lui rendant le matériel et finit par lui annoncer qu'ils se reverraient bientôt. Il n'en était plus tellement certain étant donné le succès de cette première sortie dans la baie mais, justement, la prochaine ne pouvait être que meilleure. S'il se retenait d'aborder des sujets qui la fâchaient, alors tout irait bien. Cependant, il en était apparemment incapable. Il devait apprécier le conflit, en fait, c'était la seule explication possible. Il rejoignit Alexa qui buvait de l'eau un peu plus loin puis sortit les clés de son sac à dos pour pouvoir décrocher leurs vélos. Il sentit son regard sur lui, il le lui rendit, elle n'était pas calmée, c'était évident. Ils avançaient finalement et elle parla. Elle ouvrit enfin la bouche. Elle voulait rentrer seule. Ce n'était pas exactement ce qu'elle disait, elle croyait vouloir faire le chemin seule. C'était une petite nuance qui lui laissait une chance de la convaincre du contraire. Ou peut-être devait-il la laisser partir, pédaler l'aiderait à évacuer sa colère et sa déception. Ils arrivèrent à hauteur de leurs bicyclettes et il posa ses yeux sur elle. « Je préférerais rentrer avec toi mais je vais pas te forcer. Si tu veux être seule, je comprends. » répondit-il un brin désolé d'en arriver là. Il trouvait ça idiot aussi, ils allaient dans la même direction... Il pouvait rester à bavarder avec le mec de la location au pire, il avait l'air sympa. Il arriverait peut-être à même négocier un petit boulot avec eux. Quelques heures par semaine à s'occuper de kayak, ça devait être à sa portée. Un peu d'argent ne serait pas de refus... Il détacha les deux cadenas, en glissa un dans son sac et lui tendit l'autre plongeant ses yeux clairs dans les siens. « Sois prudente sur la route. »

Gabriel détacha les deux vélos et elle récupéra son cadenas, elle l'accrocha autour de la selle et releva les yeux vers son petit ami alors qu'il lui disait d'être prudente sur le chemin du retour. Il lui avait également dit préférer faire le trajet avec elle, elle l'avait entendu mais elle ne savait pas vraiment quoi lui répondre, il avait l'air calmé, plutôt embêté par cet état conflictuel entre eux et à présent, il ne semblait plus vouloir l'agacer, au contraire, il était prêt à la laisser tranquille. Enfin. Plus de mauvaise surprise. Plus de sarcasme ou de réplique désinvolte. Alexa s'approcha de lui et passa doucement sa main sur sa joue, elle lui adressa un léger sourire, à moitié désolée et à moitié empli de tendresse. Elle lui en voulait et pourtant, à le voir comme ça, elle se disait que maintenant la tempête était peut-être passée, il avait l'air plus serein, comme si d'une certaine façon c'était maintenant qu'il s'excusait réellement, non pas par des mots mais simplement en faisant preuve de compréhension et de douceur à son égard. Elle se dressa sur la pointe des pieds pour venir lui donner un baiser sur les lèvres. Ça pouvait être surprenant vue la situation mais elle en avait eu réellement envie. Ce n'était pas réellement pour signer la paix, ou peut-être que si, c'était pour lui faire comprendre, probablement, que ce n'était pas si grave que ça. Il pouvait faire n'importe quoi, elle ne pouvait s'empêcher de l'aimer, même quand elle était folle de rage et qu'elle avait envie de le tuer, même quand elle voulait l'assommer à coup de pagaie, il y avait toujours quelque chose. Quelque chose qui faisait que malgré tout, elle l'aimait. Elle passa sa main sur sa nuque et mit fin au baiser pour le regarder. " Je t'appelle plus tard, ok ? " elle lui sourit à nouveau, légèrement, avant de monter sur le vélo. Elle avait toujours envie de rentrer seule. Mais elle l'appellerait. Elle ne laisserait pas la situation comme ça. Ils pourraient peut-être même se retrouver plus tard, pour diner ensemble.. Qui sait. Elle n'était pas rancunière quand ça le concernait. Et elle s'éloigna tranquillement en vélo pour rejoindre le centre ville.