J'aime bien le théâtre finalement. Au début, ça ne me tentait pas du tout de devoir jouer la comédie face à des gens totalement différents de moi. Je revois encore le visage confit du proviseur quand il m'a annoncé qu'il fallait que j'intègre un club ou une équipe au risque d'être viré de Stanford. J'ai bien sûr suivi ses ordres, même si j'ai pour mauvaise habitude de jouer les têtes brûlées il est hors de question que je quitte cette université. J'en ai tellement bavé avant d'être ici, je ne veux surtout pas que cela recommence. Je ne sais plus pourquoi mon choix a fini par se porter sur le Drama Club. Certes, je suis plutôt doué pour jouer la comédie, mais je ne me serais jamais vu ici auparavant. Enfin bon, vu mon niveau sportif assez sous-développé je n'allais clairement pas pouvoir rejoindre une équipe, sauf peut-être en tant que supporter. Noam le pom-pom girl, ça sonne pas mal non ? Si je veux finir gay bien sûr. Ce qui est chouette ici c'est que c'est super pratique quand t'as envie de relâcher tout ce que t'as sur le coeur. Je ne me suis pas gêné d'ailleurs avec Sora. La pauvre, elle en a bien pâti, mais ce n'est qu'un exercice je ne pensais pas qu'elle allait le prendre mal à ce point. De plus, je ne visais même pas sa mère, je parlais en fait de la mienne. Cette garce, je la hais, même si c'est grâce à elle que je suis ici. En fait, je déteste mes parents, encore plus mon père. Je lâche ma dernière réplique et là, la jolie brunette tourne les talons et quitte la salle, visiblement folle de rage. Les autres s'échangent des regards d'incompréhension et moi, sans trop réfléchir, je trottine pour rattraper Sora. « Attend, » je l'interpelle de l'autre coté du couloir. Lorsque enfin j'arrive à son niveau, ma main attrape doucement son poignet et l'incite à se tourner vers moi. Je plante mon regard dans le sien et reprends un peu ma respiration après cette mini course qu'elle m'a obligée à faire. « Je voulais pas te vexer. » Ça craint. Je viens à peine de rejoindre ce club que déjà un membre me déteste. En général, je me fiche un peu de savoir qu'on ne peut pas me supporter, je ne suis pas vraiment la personne avec qui on a envie de passer des heures en tête à tête, mais là c'est différent. Ce club, c'est ma seule liberté, et si je m'y fais déjà des ennemis je risque de passer une année encore plus pourrie que d'habitude. Surtout que Sora, elle a l'air d'être une fille bien. Elle est mignonne, j'aime bien ses cheveux bicolores. Je n'ai pas vraiment envie qu'elle me fasse déjà la gueule alors qu'on se connait à peine. J'attends sa réponse, planté devant elle, ma main tenant toujours son poignet.

Visiblement, Sora n'a pas franchement envie de faire un face à face avec moi. Je crois même qu'elle préférerait me planter un couteau en plein coeur plutôt que d'écouter mes semblants d'excuses. Elle dégage son poignet de mon emprise et je laisse mollement tomber mon bras le long de mon coeur. Je ne cesse de la regarder contrairement à elle. Sa tête de petite hystérique me donne presque envie de rire. Directement, le duel commence. Je veux bien être gentil mais j'aime moyen qu'on se foute de ma gueule. « Je te rappelle qu'on est au drama club, c'est un peu le but. » Enfin, elle me regarde. Elle s'énerve, crie presque. Quand quelqu'un s'excite comme ça sur moi, ça a vraiment le don de me mettre en rogne généralement, mais là je fais de mon mieux pour garder mon sang froid. Lorsqu'elle me pointe du doigt, je l'abaisse d'un geste de la main. Non mais, un peu de respect c'est trop demander ? « T'es sérieuse ? Je la connais pas ta mère, pourquoi j'irais l'insulter ? » Je ne comptes pas lui dire la véritable raison de mon acharnement sur sa dite mère car je ne pense pas quoi ce soit ses affaires, mais bon sang si elle en a un peu dans le crâne elle peut comprendre que ce n'était qu'un jeu. Je pousse un soupire, respire calmement. « J'ai pas envie de me prendre la tête avec toi. »

Je me rends compte que Sora est quelqu'un de très attaché à sa famille et qui prend la mouche dès qu'on s'attaque à quelqu'un qui lui est cher. Moi, contrairement à elle, je n'ai jamais vraiment eu de famille ni même de personne à qui je tenais. Je me suis toujours considéré comme seul dans ce domaine et ça ne me déplaît pas pour autant mais cela a salement affecté mon caractère. Enfin, c'est ce qu'on me dit souvent. « Je ne suis pas comme ça Sora. » Je suis sincère. C'est vrai, je dis souvent des conneries et je n'ai pas de mal à insulter quelqu'un mais jamais je ne m'attaquerai à quelqu'un que je ne connais pas ou encore à une personne qui ne le mérite pas. Sora ne le mérite pas par exemple. Sora est douce, gentille, tout mon contraire.  « Désolé si ça t'a vexée, vraiment. Je ferai gaffe à ce que je dirai dorénavant. » Je la regarde et esquisse un sourire, tentant de lui remonter un minimum le moral ou au moins de l'apaiser.  « Pour me faire pardonner, on peut se prendre un truc à la fin des cours. Un café, un thé, un verre de vodka. » Mon sourire s'étire un peu plus et j'attends sa réaction sans me soucier du fait qu'elle et moi sommes en train de louper un cours. Ils comprendront, enfin je crois.

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