VYX&GABRIEL
Mother Earth.

La Californie avait beaucoup à offrir. Bien plus que des villes comme Los Angeles ou San Francisco, et pas uniquement des plages de rêves. Il fallait seulement accepter de s'éloigner un peu de la civilisation et de s'engouffrer dans les terres. Vyx et Gabriel le savaient et c'était avec plaisir qu'ils délaissaient le campus. Ils avaient pris le bus jusqu'à l'une des entrées de la réserve de Monte Bello, et marchaient à présent sur l'un des petits sentiers. Ils n'avaient pas de réels objectifs en terme de distance, ils voulaient juste trouver un coin tranquille pour admirer la vue sur les plaines et collines, sur les arbres et les terres arides. Ca lui faisait du bien de venir ici de temps en temps. Il avait besoin de ce bol d'air pur. Cette fois était un peu différente, ils venaient à peine de reprendre les cours, c'était plus une envie de se retrouver après de longues vacances qu'un retour à la nature nécessaire. Le Soleil était assez bas et il faisait bon, ni trop chaud, ni trop froid pour l'instant. Ils avaient dû marcher une petite heure. C'était certainement suffisant. Surtout s'ils devaient revenir sur leurs pas après que les derniers rayons jaunes aient disparu. Gabriel n'était pas tellement inquiet, ils connaissaient ce sentier, ce serait facile. Au pire il avait amené deux lampes torches. Mais ils ne traîneraient probablement pas jusque-là : ils devaient prendre le dernier bus de 22h. Ils venaient juste chercher un peu de calme, peut-être auraient-ils la chance de voir les étoiles si la nuit tombait vite et que le ciel restait dégagé. Il s'arrêta et regarda autour de lui. « C'est bien là, non ? » dit-il en plantant un instant ses yeux dans ceux de Vyx. Ils avaient pris de la hauteur, ils seraient bien ici. Il lui sourit faiblement puis enleva son sac de son dos. On ne pouvait pas réellement les qualifier de proches. Ils parlaient rarement d'eux. Gabriel ne savait pas grand chose de Vyx finalement. Non pas qu'il ne s'intéressait pas à elle mais leur relation n'était pas faite ainsi. Et puis, il s'était rendu compte que, plus il en apprenait sur une femme, plus il avait de chances de ne plus avoir de respect pour elle. Il n'avait pas envie qu'une telle chose arrive avec elle. Quand ils se retrouvaient, ils abordaient souvent les mêmes sujets, mais c'était de ces sujets inépuisables sur lesquels on a toujours quelque chose à ajouter... Ils laissaient leur légère misanthropie respective prendre le dessus et déblatéraient sur leur incapacité à comprendre le monde de consommations qui les entouraient. Il sortit une grande serviette qu'il étala sur le sol puis s'assit sur un des côtés. « J'ai amené des tomates, une bouteille de vin blanc californien, je sais pas trop ce qu'il vaut, j'ai pris un des moins chers, j'avoue. Et j'ai ramené ça aussi. » dit-il, souriant, en sortant un joint de la poche avant de son sac.

« Tu ne m'avais pas habitué à tant de confort » D'habitude vous vous installez sur un brin d'herbe, sans vraiment prêter attention à l'endroit où vous posiez votre popotin. Il t'arrivait souvent de te relever le cul trempé, parce que l'humidité ici était bien présente, mais qu'est-ce que tu en avais à faire ? L'important c'est de faire ce qui nous ressemble, ni plus, ni moins. Aujourd'hui t'es quand même étonnée, mais surtout, tu te demandes comment cette nappe, ce fameux bout de tissu a-t-il pu rentrer dans le sac à dos de ton camarade. Quelle idée saugrenue lui est venue pour qu'il s'encombre de ce genre d'accessoire.. purement décoratif, absolument secondaire. Dans le fond tu ne peux qu'en rire, tu t'imagines qu'il n'avait pas envie d'abimer son bermuda, déjà bien trop troué à ton goût. Tu remarques que sans vraiment le vouloir, naturellement, dans ta phrase tu parles d'habitude. C'est vrai, tu n'as pas tort, c'est pas votre première année, c'est pas non plus votre première randonnée. Des heures de marche t'en as fait en sa compagnie ? Tu te plains pas, si tu l'appréciais pas un minimum tu ne répondrais pas présente à l'appel comme à chaque fois. Est-ce  l'activité qui te plaît ou passer du temps avec l'écologiste ? Un peu des deux, t'en sais rien, tu te poses pas la question, c'est cool voilà tout. Maintenant que la nappe est parfaitement bien en place, tu t'installes sur l'un des coins de cette dernière, puis tu profites du paysage, de l'air frais qui te fouette agréablement le visage. Tu ne peux t'empêcher de faire une petite remarque, avec une pointe d'ironie. « Manque plus que les roses pour être véritablement romantique » La nappe, le cadre, le soleil, tu tomberais presque amoureuse. Tu le taquines, il le sait bien. Tu peux te permettre, c'est plus que clair il n'y a aucune ambigüité avec Gabriel. C'est ton pote, on peut dire ça comme ça, celui qui fait naître en toi ton côté masculin. Vous êtes en phase.. en phase avec la nature !
Gabriel sort tout son attirail. Si tu avais imaginé une rando diette, tu peux tout de suite tirer un trait sur tes trois calories à perdre. Vous alliez partager un repas digne d'un grand chef, t'en étais persuadée. « tu sais que le vin blanc c'est le pire ennemi d'un sportif ? » encore une fois t'étais obligée de ramener ta fraise, jamais satisfaite de ce qu'on te propose t'es vraiment une tête à claque quand tu t'y mets. « à cause des conservateurs qu'ils mettent dedans, ça donne des crampes » c'était la minute inutile du jour. Dans la foulée, tu attrapes deux gobelets en plastique et tu lui tends pour qu'il les remplisse. Les effets néfastes du vin ici présent ne sont pas assez puissants pour te faire renoncer à un bon petit verre. « sandwich poulet crudités mon grand. » tu lui tends la demi-baguette que tu viens de sortir de ton sac. C'était ta mission d'apporter la bouffe, alors t'as fait un effort. « fait maison ! » Petit détail qui avait son importance. Ok la salade n'était sans doute pas bio, les oeufs surement pas pondus par des poules élevées en plein air et le blanc de poulet tu ne préfères pas imaginer mais l'intention y était.

« Ouais, j'essaie de prendre de bonnes résolutions pour cette année scolaire... Mais t'y habitues pas trop, je crois que ça va pas durer. » répondit-il à sa remarque sur la nappe, avec un léger sourire au coin des lèvres. Il l'avait vue là, traînant dans ses affaires sans qu'il puisse expliquer pourquoi il l'avait prise. Alors, il s'était dit que ce serait une bonne idée d'avoir quelque chose sur lequel s'asseoir pour changer. Surtout qu'en cette fin d'été l'herbe était sèche et blonde, peu agréable au toucher, sans douceur. Ladite nappe ne serait donc pas de refus. Il regarda les plaines qui s'étendaient devant eux, c'était étrange d'être si proches de l'université, de San Francisco aussi, et pourtant totalement perdus au cœur de la Nature. Il rit faiblement lorsqu'elle parla de romantisme. C'était vrai que ça aurait pu l'être. Le cadre, le pique-nique, ça aurait pu. Si ce n'avait pas été eux, Vyx et Gabriel. Il était très charmeur, il savait dire ce qu'il fallait, aux femmes ou même aux professeurs, il aimait plaire et peut-être un peu duper. Pourtant, avec elle, un lien sans ambiguïté s'était instauré. Tout simplement. Sans qu'il ne sache pourquoi. Vyx était belle avec ses cheveux ébènes sauvages et ses yeux clairs, il en était conscient, mais ce n'était pas important. Ils étaient au-dessus de ça. C'était étrange, il était le premier à l'admettre. C'était agréable aussi. Le vin blanc n'était pas bon pour eux, disait-elle. Il attrapa les deux gobelets qu'elle lui tendait. « Si t'en veux pas. Ca ne pose aucun problème ! Je vais me sacrifier et te laisser l'eau. » fit-il remarquer tout en versant tout de même du vin dans les deux verres. Il avait une jolie couleur pour un vin pas bien cher et il était certain qu'elle voudrait y goûter. C'était difficile de vivre en ne prenant que des choses soi-disant bonnes pour leurs corps. C'était triste. Il échangea un des deux verres pleins contre le sandwich qu'elle lui tendait. « Tu les as faits avec amour, j'en suis sûr. » dit-il avant de porter le vin à ses lèvres. Il eut un petit rictus déçu, il n'était pas tout à fait convaincu mais ça devrait faire l'affaire. Il haussa les épaules. Il ne pouvait pas s'attendre à un grand cru à ce prix-là. Gabriel était curieux de tout, et surtout de ce que la Terre avait à leur offrir, c'était donc naturellement qu'il s'intéressait au vin. Cependant, il n'avait pas la bourse nécessaire pour en goûter de grande qualité. Il sortit les tomates et son couteau suisse, au cas où. Puis croqua dans le sandwich. L'air se rafraîchissait un peu alors que le Soleil commençait à disparaître derrière une colline voisine. « Tu crois qu'il faudra combien de temps avant que ça devienne des terrains avec des maisons, tout ça ? » demanda-t-il sans quitter l'étendu d'herbe des yeux.

Les résolutions. Ça fait bien longtemps que tu as renoncé ne serait-ce qu'à y penser. Tu sais d'avance que c'est une perte de temps. Tu vis un peu au jour le jour, tu évites de te préoccuper du futur, demain est un autre jour. Ce monde qui t'entoure t'oblige sans cesse pourtant à faire des projets, à prendre des décisions, tu luttes, sans fin. « Tu me contraries, j'imaginais que ce standing était spécialement pour moi. » T'as l'air sérieuse, si on te connaissait pas on y croirait presque à cette grande déception. Tu sais d'avance qu'en effet tu ne dois pas trop t'y habituer, la fois prochaine c'est quasi incontestable, la nappe ne sera pas au rendez-vous. Pourquoi ? Gaby en est conscient, c'est une résolution comme il dit. On sait tout où ça nous mène t'sais. Selon lui elle est même «bonne» ; tu hausses les épaules, tu ne veux pas le casser dans sa détermination. Tu attrapes le verre de vin blanc qu'il te tend, vous aviez pour habitude de consommer ensemble. Tout genre de consommation d'ailleurs t'étais pas difficile de ce point du vu là. Faux. Ensemble, vous ne consommiez pas le sexe. Ah ouai, tiens pourquoi ? Baiser Gaby c'était comme de l'inceste pour toi, quelque chose qui n'était pas envisageable, même pas tu y songeais. T'as pas envie, lui non plus, vous ne pouviez pas mieux vous trouver. C'est pas qu'il est repoussant, c'est un bel homme t'en est consciente on ne va pas se voiler la face, c'est pas non plus parce qu'il est avec sa copine, ça c'est pas un obstacle au sexe, pas pour toi du moins, mais c'est juste que Gaby c'est ton pote. Ca paraît peut-être bizarre, toi qui couche assez facilement de gauche à droite mais justement, peut-être que cela témoigne d'une grande estime envers lui, un certain respect. Entre deux bouchés de ton sandwich, tu prends une gorgée de vin et la petite remarque de Gaby se proposant de se sacrifier pour le vin te fait sourire. « J'ai presque envie de te prendre au mot et te laisser la bouteille. T'as pas cours cette aprem, dis moi ? » Techniquement si Gaby boit la bouteille il ne devrait pas rentrer tout à fait dans un état de sobriété irréprochable. En même temps, mis à part son vélo, il n'allait pas conduire. Gaby se permet de te taquiner sur la préparation du sandwich. Fait avec amour, pourquoi t'en doutais ? « Toujours... » Tu lui jettes un coup d'oeil en coin, puis tu ne peux pas t'empêcher d'exploser de rire en croisant son regard. « Putain ça ne nous réussit pas la séduction. » enfin toi surtout, c'est peut-être la raison pour laquelle t'es d'ailleurs seule, pas un homme à ton chevet, juste des capotes.
L'environnement, un sujet qui réellement t'inquiète et t'intéresse. Il est important pour toi de faire ton maximum pour protéger la nature, la planète. Tu fais même pas ça pour t'inculper des valeurs, t'en as rien à foutre de ça, de ce que les autres pensent, tu es juste renseignée sur les enjeux majeurs de la pollution et de la déforestation par exemple et c'est terriblement angoissant, des raisons valables à ne pas en dormir la nuit. Gaby était un peu comme toi à ce propos, surement pire, même ! « Malheureusement pas autant de temps qu'aura la nature pour se manifester. » En face de toi, de grande plaine dont tu ne vois pas la fin. Cette verdure t'apaise. « Puis après les gens viennent se plaindre des inondations, du réchauffement climatique... » Tu ne prends pas la peine de finir ta phrase, ça veut tout dire. Pour te consoler, tu finis d'une traite ton verre. Quelle belle merde la société.