MAË & LOUIS
est-ce qu'au paradis on peut commander des pizza hut?

La dalle. La putain de dalle, même. C'était pas possible de souffrir autant de l'estomac alors qu'il venait de grailler y'avait même pas quelques heures. À croire qu'étudier -ou faire semblant d'étudier dans son cas-, ça creusait beaucoup. La cafét' commençait à devenir son repère. Il avait sa table habituelle, non pas que Louis était du genre à péter une durite lorsqu'on s'asseyait à sa place, mais c'était toujours libre, alors il en avait déduit qu'il n'y avait que lui qui pouvait la prendre. Peut-être que c'était une chaise spéciale vous voyez, le genre qui n'a qu'un seul maître. Enfin cul, pour l'occasion. C'était con comme idée, même un gamin de cinq ans aurait pu le dire, mais ça lui plaisait, au Cook, alors comme personne n'était là dans sa tête pour lui dire qu'il fallait arrêter de penser n'importe quoi, il s'y autorisait. C'était bien, dans son esprit. Un peu solitaire, mais sûrement pas vide. Trop de choses se bousculaient.

La place était encore libre, ce qui inconsciemment le fit sourire. Y'avait pas grand monde de toute façon, à part une fille qui était en train d'observer les snacks comme si sa vie en dépendait. Il comprenait, c'était dur de faire un choix parfois, parole de gros. Du coup il s'approcha d'elle l'air de rien, déjà parce que lui aussi voulait à manger, mais aussi car il était d'humeur bavarde. J'te conseille la pizza. Déjà parce qu'elle est super bonne, je sais pas ce qu'ils foutent dedans mais mon dieu j'aimerais bien savoir, et ensuite parce que de toute façon faut toujours choisir la pizza. Tirade bien étrange pour une première rencontre, mais c'était ça, Louis Cook. Alors il regarda la femme derrière le comptoir et ajouta. Donc moi j'voudrais de la pizza s'il vous plait. La fille à côté n'avait toujours pas bronché, mais c'était compréhensible. Si un mec était venu à côté de lui en sortant un discours sur la bouffe, il aurait sûrement flippé. Ou pas en fait, il aimait bien la bouffe.

j'reste devant la sorte de "carte" de la cafétéria, sans un mot. ça fait pas longtemps que j'suis à Stanford, c'était la rentrée il y a peu et j'ai comme l'impression que même si les habitudes vont commencer à se former petit à petit, c'est pas encore tout à fait gagné. du coup, je sais pas trop, y'a des paninis, des pâtes, des frites, tous les trucs possibles et imaginables. et j'dois dire que rien ne m'inspire vraiment confiance, alors ça m'fait flipper. et puis j'sursaute légèrement lorsqu'un type apparaît à côté de moi, parce qu'il est arrivé en mode furtif, et puis parce que j'm'y attendais pas. non mais la cafétéria est déserte, bizarrement. fin y'a bien deux trois mecs par-ci par-là, mais Stanford n'a décidément pas décidé de se retrouver à cet endroit et à ce moment de la journée. et puis l'écoute me venter les mérites de la pizza. puis la commander. et puis évidemment, même si sa phrase d'approche particulièrement bizarre, j'peux pas m'empêcher de réagir après qu'il ai commandé : « t'es sûr que c'est pas cancérigène ? », oui, ça peut sembler con. mais quand on m'dit "qu'on sait vraiment pas ce qu'ils foutent dedans mais que c'est une tuerie", j'peux pas m'empêcher de me poser la question. « c'est gras, non ? », enfin ça, j'pense que j'vais m'en apercevoir dès qu'il va avoir eu son assiette, genre si ça luit tellement y'a d'huile et tout. enfin on verra quoi. c'est pas que j'veuille être une top model, c'est juste que j'ai l'habitude de faire attention et de manger équilibrer. seulement ça risque d'être plus compliqué que j'le pensais, d'entretenir ma ligne en vivant toute seule. enfin, "toute seule", puisque je partage une chambre avec une autre blonde.

Cancéri... quoi ? Il fronça les sourcils et étouffa son rire, qui se transforma en sourire en coin. Ça, c'était inattendu comme réponse. Mais pourquoi ça serait cancérigène ? C'est de la pizza, tout ce qu'il y a de plus normal, ils ont pas foutu de l'uranium dedans j'te rassure. il avait ajouté. En fait Louis savait pas trop si la fille blaguait ou si elle pensait vraiment qu'on voulait les empoisonner, à la cafét'. Peut-être qu'il était tombé sur une parano, ça lui était jamais arrivé d'ailleurs. Ça devait être chiant, quand on y pensait, toujours s'inquiéter pour rien. Voilà qu'elle lui demandait si c'était gras. Sauf que le mec, il en savait pas grand chose, parce qu'il s'amusait jamais à compter les calories et puis il s'en foutait un peu. Euh j'sais pas. Attends j'te montre. Cook venait de recevoir sa part. Il lui tendit l'assiette, à une distance raisonnable parce que la pizza, c'était sacré et que personne n'avait le droit d'approcher de trop près. Pour lui, ça avait l'air mangeable, plus que bon d'ailleurs même. Allez j'te jure que c'est bon ce truc. Si tu veux pas risquer au pire, on partage, j'suis de bonne humeur aujourd'hui. Il haussa les épaules comme si c'était quelque chose de normal, mais fallait pas s'y méprendre, Louis partageait jamais d'habitude. C'était un bon jour apparemment. Il savait même pas son prénom en plus.

il s'fout clairement de ma gueule, le mec. j'comprends pas trop pourquoi, ça me semble logique de demander ça, enfin j'sais pas. il a un sourire en coin, j'le regarde avec mon ptit air ébahit que j'ai un peu tout le temps. et puis il me demande pourquoi ce serait cancérigène. « je... je sais pas. quand t'écoute les gens, les médecins, eh bien. tout est un peu cancérigène, alors... j'me méfie un peu, c'est tout. et puis, tu l'as dit toi-même, tu sais pas ce qu'ils ont foutu dedans. », je souris, j'essaie de pas sembler gênée mais c'pas gagné. et puis y'a sa seconde réponse, il sait pas si c'est gras. j'ai besoin de savoir si c'est gras, vous voyez. il vient d'avoir sa part de pizza alors il me montre la chose sous presque tous les angles. ok, bon, ça luit raisonnablement. j'lâche un ptit « hm... », tout en plissant les yeux. j'réfléchis. et puis il me lance qu'il veut bien partager, parce qu'il est de bonne humeur. je déplisse les yeux, le regarde avec un grand sourire et lui lance : « oh, ce serait adorable, vraiment ! j't'en payerait une autre, pas de soucis. », autant faire un geste de mon côté également, j'suis pas une profiteuse moi, je rend toujours ce qu'on me prête. j'regarde en direction des tables, et j'lui demande : « on va s'asseoir ? »