Nouvelle année, nouvelle routine. Un sac à dos sur les épaules et un sac dans chaque main, un sourire sur les lèvres, Yokhéved allait découvrir les joies de vivre sur le campus. Pour elle qui avait jusqu'alors habité un appartement à Palo Alto jusqu'ici, c'était un véritable changement et pas forcément dans le bon sens d'après elle. Mais elle n'avait pas d'autres choix et s'estimait heureuse d'avoir pu obtenir la chambre d'une personne ayant décidé de ne pas pointer le bout de son nez à Stanford. Arrivant donc quelques jours après tout le monde, elle se doutait que sa colocataire devait déjà être bien installée. Dire qu'elle n'appréhendait pas aurait été mentir. Elle avait partagé sa chambre avec sa sœur pendant plusieurs années, elle avait donc des notions de ce qu'une colocation signifiait, mais cela remontait à plusieurs années maintenant et l'expérience s'était avérée désastreuse. Mais sa relation chaotique avec sa sœur en avait peut-être été la seule raison. Ainsi, espérait-elle pouvoir s'entendre avec celle qui partagerait sa chambre. Bien que sociable, Éved avait plusieurs sujets sensibles qui pourrait rendre les choses plus compliquées. Et si elle était homophobe ? Et si elle était antisémite ? Et si elle traitait la planète comme une poubelle ? Et si elle détestait le désordre ? Tellement de suppositions auxquelles elle ne pouvait pas répondre avant d'avoir fait la connaissance de sa colocataire. Alors à quoi bon penser à tout ça ? Son optimisme naturel la poussait de toutes façon à se convaincre que tout irait bien.

C'est le sourire aux lèvres qu'elle ouvrit la porte de sa chambre, ne pensant pas vraiment à frapper avant. Après tout, ce serait aussi chez elle et elle n'avait pas pour habitude de frapper avant de rentrer chez elle. Elle resta quelques instants sur le seuil de la chambre, regardant la pièce. C'était pas bien grand. C'était même beaucoup plus petit que son ancien appartement. Mais elle devrait faire avec. Quel autre choix avait-elle ? Vivre sous les ponts pour le reste de ses études ? Le climat de Californie avait beau être clément et elle avait beau prôner les valeurs écolos, elle aimait avoir le luxe de prendre sa douche tous les matins. Elle entra finalement dans la pièce, les muscles de ses bras lui ayant rappelés que ses sacs n'étaient pas si léger. Elle avança jusqu'au lit qui était resté libre et y déposa ses sacs avant de se retourner vers le côté occupé. Sa colocataire était là. Elle était jolie, c'était déjà ça. Débarrassée de son sac à dos, elle s'avança vers la jeune femme, lui tendant une main, l'air joyeuse. « Bonjour, je suis Yokhéved, ta nouvelle colocataire. ». Elle resta alors comme ça, attendant que la jeune femme lui prenne la main pour la saluer. Sinon, elle aurait l'air un peu con là, la main tendue dans le vide.
 
 

Elle fut soulagée lorsque Nora lui prit la main. Au moins, elle ne lui avait pas mis un joli vent, c'était déjà ça. Cela n'aidait pas forcément Yokhéved à se détendre totalement, mais c'était déjà ça. Après tout, il n'est jamais bien facile de débarquer comme ça. La jeune femme s'était peut-être déjà habituée au luxe de ne pas avoir de colocataire et aurait pu voir son arrivée comme une mauvaise chose. Mais Nora lui donna plutôt l'impression du contraire et c'était déjà ça. Au moins elle avait le droit à une première impression plutôt bonne. Mais dans ce genre de situation, la première impression n'est pas toujours celle à retenir. Yokhéved se passa une main dans les cheveux et sourit en apprenant que Nora s'était étalée pour installer ses affaires. « Oh, ne t'en fais pas pour ça. Je viens de passer un mois en Israël avec des rangements plus petits encore, je saurais m'y faire. ». Elle ne manquait pas de vêtements non plus, mais cela ne la dérangeait pas de les laisser dans ses sacs. « Par contre, je te préviens, je suis bordélique. Je ferais attention, mais si t'es une maniaque du rangement, on risque d'avoir quelques soucis. ». C'était un fait, elle était bordélique et elle ne pouvait plus changer après vingt-deux ans. Elle faisait des efforts, mais elle ne saurait jamais ranger comme un maniaque de l'ordre l'aurait aimé, ça c'était certain. Elle retourna alors vers ses sacs et en ouvrit un duquel elle sortit quelques affaires. « Et t'étudies quoi ici? ». L'intérêt de vivre avec quelqu'un, c'était aussi de pouvoir apprendre à la connaître. Et elle ne pouvait décemment pas commencer par des questions trop personnelles auxquelles elle n'aurait pas répondu elle même.

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