« Je peux pas je te dis, j’ai entraînement. » Jacob leva les yeux au ciel et se rassit sur son lit, essayant de l’entraîner avec lui. Elle résista et resta debout, fermement plantée sur ses deux pieds, les yeux baissés sur lui. « Je croyais que c’était le mardi et le jeudi ? » On était lundi, bien sûr qu’elle n’avait pas entraînement mais ce n’était pas comme s’il allait un jour savoir qu’elle mentait. Elle n’avait juste pas envie de passer la soirée avec lui et elle savait que si elle le lui disait franco, il n’allait jamais accepter de la laisser partir. C’était plus facile pour tout le monde comme ça. « On a une séance de remise à niveau obligatoire après les vacances. Ordre du coach. » Elle croisa les bras sur sa poitrine, faisant semblant d’être agacée de devoir aller courir et cracher ses poumons sur le terrain. Elle aurait préféré qu’il y ait vraiment entraînement, elle avait besoin de se changer les idées et elle n’aurait pas dit non à l’opportunité de revoir ses coéquipières. Surtout une. Yohkéved avait séché les deux premiers entraînements après la rentrée et… Elle lui avait manquée. Les deux jeunes femmes s’entendaient bien, c’était naturel qu’Audrey pense à elle, non ? Les entraînements n’étaient plus aussi drôles quand son amie n’était pas là et elle avait hâte qu’elle revienne. Comme si le ciel avait entendu ses prières, elle ne tarda pas à se cogner contre Yokhéved en personne. Elle avait fini par réussir à s’enfuir de la chambre de son petit-ami et n’avait pas fait attention à où elle marchait tandis qu’elle retournait dans sa propre chambre. Elle recula sous le choc, laissant échapper une petite exclamation de surprise avant de réaliser qu’elle connaissait la victime de sa maladresse. Elle réagit trop tard pour l’aider à ramasser les papiers qu’elle avait laissés tomber, souriant malgré elle en la voyant relever les yeux vers elle. « T’inquiète pas, c’était de ma faute. » Lui assura-t-elle avant de se mordiller brièvement la lèvre inférieure. Elle ne manqua pas de noter le changement de comportement chez son amie, comme si elle venait de réaliser qu’en fait, elle n’était pas heureuse de la voir. Audrey fronça les sourcils, se rendant à son tour compte que Yokhédev n’avait en théorie rien à faire ici. Elle avait un appartement en ville et ne venait jamais dans les résidences universitaires de Stanford. « Ça va pas ? » Demanda-t-elle, légèrement inquiète. Elle n’avait pas l’habitude que Yokhéved l’accueille aussi froidement. Elle était toujours enjouée et chaleureuse avec tout le monde, et Audrey ne faisait jamais exception à la règle. Elle avait l’air… perturbée, et la jeune blonde était trop curieuse pour ne pas avoir envie de comprendre pourquoi. Elle était malheureusement aussi trop curieuse pour ne pas avoir envie de savoir comment elle s’était retrouvée à un endroit où elle n’avait rien à faire. Peut-être qu’elle était simplement venue rendre visite à un ou une amie. Elle avait ses cours avec elle, elle tutorait peut-être un élève en difficulté. « Qu’est-ce que tu fais là au fait ? Je croyais que tu avais un appart’ en ville ? » Enchaîna-t-elle, trop curieuse pour se retenir. La jeune femme n’avait jamais été du style à s’en formaliser, heureusement, parce qu’Audrey n’était pas prête de changer.

Audrey n’était pas naïve, elle n’essayait pas constamment de forcer les gens à reconnaître à quel point elle était intelligente, mais elle était loin d’être bête et elle n’avait très certainement pas loupé la façon dont Yokhéved avait évité sa question. Certes, elle avait tendance à parler beaucoup sans laisser le temps à ses interlocuteurs d’en placer une et de répondre à ses innombrables questions, mais elle pouvait très bien voir que ce n’était pas pour ça que sa camarade avait choisi de ne pas lui dire comment elle allait. La jeune blonde se mordilla la lèvre, légèrement mal à l’aise en comprenant que Yokhéved n’avait pas l’intention de lui répondre et de la rassurer son état, mais elle décida tout de même de laisser passer. Elle n’allait pas la harceler pour la forcer à avouer que ça n’allait pas, c’était très clairement le cas et Audrey n’avait pas besoin d’un aveu de la part de la gardienne de but pour en être convaincue. Elle croisa les bras sur sa poitrine, essayant de chercher un moyen de lui remonter un peu le moral. Elles n’avaient réellement que le foot en commun et Audrey n’était pas sûre que Yokhéved soit d’humeur vu qu’elle avait manqué les premiers entraînements. Alors au lieu de la couper, elle la laissa poursuivre, acquiesçant en l’entendant justifier sa présence ici. Audrey ne put réprimer un bref petit sourire en coin en comprenant que la jeune femme habitait désormais sur le campus, elles seraient amenées à se croiser plus souvent et ça c’était plutôt une bonne nouvelle, même si encore une fois, l’excuse de Yokhéved, Audrey n’y croyait que moyennement. Ça ne l’empêcha pas de ne pas chercher à la harceler de questions. « T’as bien eu raison ! C’est beaucoup plus drôle comme ça tu verras, bon j’espère que ta coloc’ est pas trop chiante, mais c’est un truc à faire une fois dans sa vie. » C’étaient des souvenirs qu’on n’oubliait jamais, Audrey le pensait sincèrement, et si Yokhéved n’avait pas l’air si emballée que ça par l’idée, la jeune femme espérait qu’elle finirait par s’y faire. Après tout, c’était probablement un peu tard pour changer d’avis. Elle commença à danser sur ses pieds, ayant envie déjà envie de bouger et se sentant encore une fois légèrement mal à l’aise. Elle n’avait pas voulu faire une bourde en amenant le mauvais sujet sur le tapis avec Yokhéved mais elle avait l’impression de les enchaîner au contraire. Elle fut presque soulagée que la jeune femme essaye de ramener la conversation sur elle. Elle haussa les épaules. « Elles étaient bien. » Lâcha-t-elle d’un ton indifférent. « Y a pas grand-chose à dire, j’ai travaillé au garage de mon père comme tous les ans. » Rien de vraiment passionnant quoi, et très certainement pas de quoi nourrir la conversation pendant les prochaines minutes. En même temps Audrey détestait parler d’elle, et vu que Yokhéved ne semblait pas non plus d’humeur à s’épancher sur son cas, il allait falloir réussir à trouver autre chose. « Tu comptes revenir au foot, pas vrai ? Tu manques à l’équipe et le coach est furieux, il a pas encore de gardienne pour cette année. » Il avait harcelé toutes les filles de l’équipe pour essayer d’avoir une volontaire ou pour qu’elles ramènent une fille capable de jouer à ce poste là avant le début de la saison. Audrey lui avait rappelé que la rentrée venait juste d’arriver et qu’il restait encore du temps à Yokhéved pour revenir. Elle ne la voyait pas abandonner le foot de toute façon. « J’espère que c’est pas un problème d’emploi du temps qui t’a empêché de revenir jusqu’à maintenant. Surtout que j’ai l’impression que ça te ferait du bien de rejouer. » Elle lança un petit sourire timide à sa camarade, espérant qu’elle ne prendrait pas mal sa remarque. Elle s’était promis de faire semblant de ne rien voir, mais c’était assez évident que Yokhéved n’était pas bien, et ce n’était pas comme si la réflexion d’Audrey avait été très intrusive.